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Enlèvement de l’épouse d’Amadou Ali : La sortie manquée d’Issa Tchiroma

29 Juillet 2014 , Rédigé par ngonosimon.over-blog.fr

Le dimanche 27 juillet, le ministre de la communication du Cameroun a donné un point de presse dans les locaux de son département ministériel à Yaoundé. L’objet de ce point de presse était de se prononcer sur l’attaque de « l’organisation terroriste Boko Haram »[1]. Ce point de presse intervient après la diffusion des informations faisant état de l’enlèvement de l’épouse du vice-premier ministre, Amadou Ali. Au moment où les citoyens camerounais et même la communauté internationale attendaient des clarifications sur cet enlèvement, peut-on dire que la sortie du porte-parole du gouvernement camerounais a servie à quelque chose ? Pour répondre à cette question, nous posons comme hypothèse que : dans sa sortie, Issa Tchiroma s’est illustré par le manque de précision et le déficit d’informations sur les circonstances de l’attaque de Kolofata, et dans le même temps, il s’est contenté de chanter les louanges de Paul Biya et d’appeler la population au secours pour lutter contre Boko Haram, en esquivant la question de l’enlèvement de l’épouse d’Amadou Ali. Cette sortie pour ainsi dire ne semble donc pas avoir été bénéfique pour ceux des camerounais qui attendaient des clarifications à propos de l’attaque de Kolofata dans l’extrême-Nord du pays. Était-ce finalement une sortie manquée ou pour rien ? Nous nous proposons ici de revenir sur le point de presse du ministre de la communication; qui sert de matériau pour le présent texte.

Imprécisions et aveu d’un manque d’informations dans le discours de Tchiroma

D’emblée, il convient de relever que le discours d’Issa Tchiroma ne renseigne pas véritablement sur l’attaque de Kolofata. Plusieurs éléments repérés dans son point de presse confirment cela. En effet, le ministre de la communication manque de précision lorsqu’il emploie des expressions telles que « tôt ce matin » pour souligner le début de l’attaque. L’heure exacte n’est donc pas mentionnée dans le propos de Tchiroma. Dans ce cas, il donne une autre tâche aux destinataires camerounais de chercher chacun à quelle heure l’attaque a effectivement débuté. Le point de presse, à ce niveau, pose davantage de problèmes qu’il n’en résout.

En matière de communication gouvernementale, la précision devrait, en principe, être la règle afin de dissiper tout malentendu et lever toutes les équivocités au sujet d’une question aussi préoccupante que l’attaque qui s’est produite dans l’extrême Nord-Cameroun. Cela nécessite aussi de disposer de plus d’informations à mettre à la disposition du public, si tant est vrai qu’on veuille véritablement renseigner celui-ci. Sur ce point, le ministre de la communication avoue un manque d’informations à plus d’un niveau. Son premier aveu consiste à dire que « nous ne disposons pas de toutes les données nous permettant de fournir une information plus complète sur les circonstances et le bilan exacts de cette attaque ». L’usage du « nous » ici est certainement fait à dessein tout comme il renvoie à tous les membres du gouvernement qui seraient incapables de fournir des informations sur les circonstances de l’attaque. Si informer c’est combler un manque (informationnel), à quoi ça sert de communiquer si on demande au destinataire de chercher lui-même l’information ? Dans sa sortie aussi, le ministre de la communication semble incapable de donner le « bilan exact » de l’attaque mais tient un discours victorieux en arguant que les « forces de défense et de sécurité [camerounaises] ont vigoureusement riposté contre cette agression barbare, et contraint l’ennemi à battre en retraite ». L’usage de « néanmoins » qui traduit une opposition modérée n’est-il pas une manière de se consoler ? La sortie du ministre laisse donc à croire qu’elle a été faite à la va-vite puisque l’intéressé insiste sur le fait que « de plus amples informations seront communiquées au public, au fur et à mesure de leur disponibilité ». Le non-dit de l’expression « plus amples informations » se traduit sans doute par le manque d’informations au moment où le ministre donne son point de presse. Conscient de cela, ce dernier dont la bonne volonté peut qu’en même être saluée ici promet tout de même de fournir ses informations « à mesure de leur disponibilité ». A propos de l’enlèvement de l’épouse du vice-premier ministre Amadou Ali, le ministre de la communication n’en parle même pas. L’absence de clarifications sur cet enlèvement dont plusieurs médias ont fait échos laisse l’opinion dans le besoin d’informations. Cet omerta peut avoir deux conséquences. D’une part, il donne la possibilité aux citoyens de s’informer à travers des canaux qui ne sont pas toujours officiels – le marché noir de l’information notamment – avec le risque que la rumeur se colporte. D’autre part, le silence du ministre sur cet enlèvement constitue une violation du droit à l’information. Les citoyens camerounais n’ont-ils pas le droit de savoir que l’épouse d’un (grand) ministre de la République a été enlevée ? Pourquoi Issa Tchiroma dont on connaît la diarrhée verbale s’est tue sur cette question ? Refuser à tord ou à raison de s’exprimer sur cet enlèvement ne résout pas en somme le problème.

La sortie d’Issa Tchiroma, comme d’habitude lui a donné l’occasion de faire l’apologie du Président Biya, dont les actions témoignent sa « détermination inébranlable » à faire du Cameroun un pays de paix. De quels arguments use alors le ministre de la communication pour illustrer cela ?

Arguments en faveur de l’apologie de Paul Biya

Le Cameroun, comparativement à certains de ses voisins, vit depuis des années la paix des armes. C’est certes un fait que nul ne peut contester. Mais cette réalité a été vite saisi et transformé en argument politique par Biya lui-même. Ses ministres et ses admirateurs aussi. Leurs arguments consistent à soutenir que le Cameroun détient sa paix et sa stabilité grâce à l’action d’un homme : Biya. Cela étant, on ne saurait imaginer une sortie d’un membre du gouvernement qui occulterait de rappeler les gênes de paix dont le président Biya serait détenteur. Encore moins celle d’Issa Tchiroma qui ne fait pas dans la langue de bois lorsqu’il dit soutenir la politique du président Paul Biya, au détriment de celle de son propre parti politique ? Au cours de sa sortie, le ministre de la communication a rappelé à l’opinion nationale et même internationale la « détermination inébranlable » de Paul Biya sur le terrain de la préservation de la paix au Cameroun. Si cet argument est de nature à rassurer les citoyens camerounais et même la communauté internationale, Issa Tchiroma ne donne pas assez d’éléments sur ce qui, dans le cas d’espèce, traduirait cette détermination. Autrement dit, il n’évoque pas les actions qui démontreraient que le chef de l’Etat, Paul Biya, est vraiment déterminé. Après le crash de Air Algérie dans lequel se trouvaient 54 français, le gouvernement français a informé ses citoyens de l’action de l’Etat en indiquant jusqu’aux nombreux d’avions et la ressource humaine déployés pour la gestion de ce sinistre. Il n’en rien dans le point de presse du ministre Issa Tchiroma. Ce dernier se contente de rappeler « la ferme volonté du Président de la République de tout mettre en œuvre, pour continuer à faire du Cameroun, ce havre de paix et de stabilité ». A ce niveau, il y a un manque de détails sur la suite des actions. Qu’est-ce qui sera fait par la suite ? Comment ? Et à partir de quelle échéance ? Toutes ces questions même si elles relèveraient d’une stratégie (gouvernementale) en matière de sécurité ne sont pas abordées par le ministre ne seraient-ce que dans leurs aspects les plus minimes. Le souci de Tchiroma ici consiste alors à tenir un discours glorifiant à l’endroit du Président, Paul Biya, même lorsque la situation ne le commande pas. Alors que sa sortie qui devrait résoudre des zones d’ombres au sujet de l’attaque de Kolofata n’apporte pas d’éclaircissements. Son discours est aussi marqué par des contradictions lorsqu’il invite « les populations », ou « toute autre personne » à aider l’armée avec quelques informations que ce soit. Cet appel se situe à l’opposé de tous ces discours faisant de Paul Biya, le seul acteur de la paix au Cameroun.

Populations, au secours pour lutter contre Boko Haram !

Le point de presse d’Issa Tchiroma comporte au moins une contradiction. Celle-ci apparaît lorsqu’il lance un appel aux populations qui doivent aider les « forces de l’ordre et de sécurité ». Dans de tels propos, il n’est plus question d’un seul et unique apôtre de la paix : Paul Biya. Autrement dit, Paul Biya ne serait pas nécessairement celui grâce à qui le Cameroun vit en paix. Même si cela doit être nuancé dans la mesure où il est, sur le plan constitutionnel, le garant de l’ordre et de la paix sur l’étendu du territoire national. Mais que valent dans ce cas, des dispositifs constitutionnels, s’ils ne s’accompagnent pas d’une réelle volonté de celui qui est sensé les mettre en application ? Les populations appelées au secours constituent, indubitablement, des acteurs essentiels dans la préservation de la paix au Cameroun. C’est pourquoi leur collaboration avec les autorités sécuritaires s’avère impérative. Ce d’autant plus que les membres de Boko Haram s’infiltreraient au sein de la population. Lutter contre Boko Haram afin que le Cameroun reste et demeure un « havre de paix et de stabilité », ne saurait donc être l’œuvre d’un seul individu, fut-il Président de la République. Un passage du ministre de la communication, lors de son point de presse tenu à Yaoundé, confirme bien cela. Pour Issa Tchiroma, « la défense de notre pays étant l’affaire de toute la Nation, c’est chaque citoyen qui se trouve interpellé ». L’interpellation des populations par Issa Tchiroma est manifeste, voire explicite. Ainsi, au nom du chef de l’Etat camerounais, le ministre de la communication demande « [aux] populations, ainsi qu’à toute autre personne vivant sur le territoire national, qui détiendrait une information de quelle que nature que ce soit, susceptible d’aider [les] forces de défense et de sécurité » de la mettre à la disposition des forces de défense et de sécurité ci-évoquées. Au cours de la même interpellation, le ministre de la communication recommande aux populations « d’utiliser tous les moyens de communication à leur portée, qu’il s’agisse d’appels téléphoniques, d’envois de SMS, de courriers électroniques, du bouche à oreille ou de la dénonciation directe, pour mettre de telles informations à la disposition des autorités administratives, ou de nos forces de défense et de sécurité ». Dans cet extrait, deux moyens de communication doivent être mobilisés par la population. D’une part, les moyens de communication formels : appels téléphoniques, SMS et des courriers électroniques qui supposent l’usage d’internet. D’autre part, des moyens de communication informels que le ministre limite ici à l’aspect « du bouche à oreille ou de la dénonciation directe ». Concernant les moyens de communication formels, le ministre de la communication ne met aucun numéro ou site internet à la disposition de la population. Par quel numéro ou site internet les populations doivent-elles appeler ou se connecter afin de donner une information susceptible d’aider les autorités sécuritaires ? Le manque de cohésion dans le discours se traduit également dans les actes. Puisque le gouvernement n’a prévu aucun numéro vert ou site internet pour la population, sauf à penser que cette dernière connaît par cœur le numéro et le lien du site internet des services sécuritaires au Cameroun.

Tous ces errements communicationnels, qu’on ne saurait attribuer au seul ministre de la communication, traduisent l’état d’un régime qui a du mal à communiquer et qui, lorsqu’il décide de communiquer le fait mal ou approximativement. Cela peut se vérifier aussi dans la qualification de Boko Haram par le ministre de la communication du Cameroun.

Boko Haram : difficile à qualifier par Issa Tchiroma

Littéralement, l’expression Boko Haram signifie « l’éducation occidentale est un péché ». Depuis que les membres de Boko Haram s’illustrent par des attaques qui leur sont attribuées ou qu’ils revendiquent, il s’avère difficile de les qualifier. Même le ministre de la communication est tombé dans ce piège. Son discours portant sur la dénomination ou la qualification de Boko Haram manque également de cohérence. Dès la première phrase, Issa Tchiroma utilise l’expression « organisation terroriste » pour désigner Boko Haram. Si l’expression organisation peut renvoyer ici à quelque chose structurée, c’est-à-dire qui dispose un fonctionnement et des objectifs définis et autour desquels se fondent une certaine idéologie, ou certaines actions, le mot terroriste lui renvoie certainement à plusieurs signifiés. Le premier étant lié à la politique. Dans ce cas, le terroriste peut renvoyer à celui qui fait usage de la violence pour imposer sa vision, ses idées. Il peut aussi s’agir de celui qui utilise la violence pour asseoir son autorité. Pendant la Révolution française notamment, la terreur était associée au régime politique, pour lequel la violence était érigée en mode d’action. Depuis les attentats du 11 septembre 2001, la connotation péjorative du mot « terroriste » a été renforcée. Le terroriste renverrait alors à celui qui commet des attentats ou qui décide d’ôter la vie à des personnes en faisant usage des moyens armés tels que : des armes lourdes, des bombes, etc. Sont aussi considérés comme relevant du terrorisme, des prises d’otages, des assassinats, etc. Ce qui précède se réfère au second signifié de l’expression « terroriste ». Celui-ci a un lien direct avec la sécurité dans son sens large. Il convient de préciser ici que même des organisations internationales telles que l’ONU peine encore à proposer une définition consensuelle du mot terroriste.

Face à cette aporie définitionnelle, le ministre de la communication n’aurait-il pas fait mieux d’utiliser un seul et même qualificatif pour désigner Boko Haram ? En effet, au-delà de l’expression « organisation terroriste » utilisée par Issa Tchiroma, il est arrivé que ce dernier utilise une autre expression pour nommer la même entité. Même si certains peuvent rétorquer que le ministre a utilisé des périphrases pour ne pas se répéter, l’incohérence est bien visible et il convient de la relever ici.

Le ministre de la communication utilise indifféremment dans son point de presse les expressions « agresseurs », « groupe terroriste ». Toutes ces expressions sont de nature à perdre le destinataire qui ne connaît plus laquelle des qualifications s’accommoderaient mieux à Boko Haram. Même si on peut dénicher dans la tactique discursive d’Issa Tchiroma, la nette volonté de faire comprendre aux camerounais et à la communauté internationale que Boko Haram est là pour déstabiliser le Cameroun, « en usant d’une […] violence à la fois aveugle et criminelle ». Tout acte communication doit obéir à une cohérence, laquelle se traduit aussi par l’organisation et la logique dans le propos.

Conclusion : Plaidoyer pour une communication gouvernementale réussie et responsable

En somme, notre objectif a consisté à démontrer que le point de presse du ministre de la communication du Cameroun, au sujet de l’attaque de Boko Haram à Kolofata, n’a pas été réussi. C’est pourquoi nous l’avons, à notre niveau, qualifié de sortie manquée. Si on peut apprécier la volonté du ministre de la communication de réagir promptement, il est ressorti au cours de son point de presse des imprécisions, des aveux de manque d’informations. Autant d’éléments de nature à ne pas combler le déficit informationnel après l’attaque perpétrée à Kolofata par Boko Haram. Attaque qui se serait aussi soldée par l’enlèvement de l’épouse du vice-premier ministre camerounais, Amadou Ali. La communication offensive devrait en principe apporter des réponses, des précisions, des clarifications au lieu de poser plus de problèmes comme lors du point de presse du ministre Tchiroma. Dans une autre perspective, la sortie du ministre de la communication constitue également une avancée dans la rhétorique officielle, à savoir que la paix et la stabilité du Cameroun ne dépendent pas de la seule volonté et de l’action d’une personne Paul Biya, mais aussi des citoyens camerounais. Ces derniers ont été appelés à collaborer avec les forces de sécurité en recourant aux moyens de communicationnels formels et informels. Mais la mise à la disposition des citoyens d’un numéro vert ou d’un site internet aurait été une bonne chose. Au final, les manquements relevés ici nécessitent une prise de conscience pour une communication réussie et responsable lors des prochaines sorties du ministre de la communication, Issa Tchiroma. C’est ce qui justifie le plaidoyer par lequel se referme le présent texte.

[1] Nous précisons ici que les phrases, mots et expressions entre guillemets sont issus du point de presse d’Issa Tchiroma. Point de presse publié dans sont intégralité sur la page facebook de Radio Tiemeni Siantou (RTS).

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